Les périphériques vous parlent N° 4
HIVER 1995/1996
p. 44-47
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français

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Agriculture, pêche, ruralité
vers Agri-Culture : il n'y a pas de territoires pauvres, il n'y a que des territoires sans projets
vers Une ferme d'un nouveau type

Les temps précaires de l'agriculture

À l'occasion de la projection dans le cadre de l'Université d'Urgence du documentaire de la télévision suisse italienne Les temps précaires réalisé par Wladimir Tchertkoff les étudiants du lycée agricole de Chartres La Saussaye sont venus à Paris dire aux étudiants des villes la noblesse du métier d'agriculteur ; à partir des questions soulevées par ce documentaire, un débat s'est engagé avec des agriculteurs, Scarlette Le Corre - responsable du Comité de Survie des Pêcheurs -, l'équipe des Périphériques, des étudiants et professeurs de Paris 8 et d'autres universités, des représentants d'associations de chômeurs, la Coordination nationale infirmière, le réalisateur et autres intervenants. Ce point de vue s'est imposé aux participants : c'est certainement plus à travers un effort visant le développement de la qualité de l'homme lui-même plutôt qu'une politique de production de produits dits de « qualité » que l'économie, la société, la culture pourront affronter la crise actuelle.

Jeudi 16 février 1995, 10 heures 30, sur le grand écran de l'Amphi Y de université Paris 8 défilent à grande vitesse les champs de la Beauce. Une voix commente les images de l'actualité :

« Peur du futur et rage du présent. De septembre 93 au printemps 94, la France a connu en sept mois cinq secousses socio-économiques qui sont en train de modifier l'autoconscience collective face à la crise. À la fin de l'été, les paysans bloquent les accès de Paris pour protester contre les accords du G.A.T.T. sur le commerce international, qui condamnent à mort cinq cent mille petites et moyennes exploitations. En octobre, les grèves d'Air France paralysent les aéroports contre les licenciements. En janvier, la protestation des laïcs contraint le gouvernement Balladur à renoncer au financement public des écoles privées. En février, la colère des pêcheurs bretons, décimés par la mondialisation du marché du poisson, aboutit au tragique incendie d'un monument historique, le parlement de Rennes d'où partit la première étincelle de la Révolution française. En mars enfin, les jeunes lycéens découvrent soudain, à l'occasion d'un décret sur le salaire minimum d'insertion qu'ils n'ont pas de futur. »

FUTUR, OU PAS DE FUTUR ?


« Nous représentons 5 % de la population active, explique un étudiant de la Saussaye, notre secteur permet de faire vivre beaucoup de personnes aussi bien en aval qu'en amont. En 1990 nous étions 1 200 000 ; en 1992, 1 million. Aujourd'hui nous ne sommes plus que 800 000. Cette perte d'activité se ressent jusque dans les secteurs de la métallurgie, l'industrie de la recherche, l'industrie chimique et la transformation agro-alimentaire. Nous sommes et vous êtes concernés par ce problème qui implique aussi bien le monde rural que citadin. Aucun d'entre nous, n'est certain de pouvoir reprendre l'exploitation de ses parents. Aujourd'hui nous refusons de baisser les bras. Nous nous battrons jusqu'au bout pour faire le métier que nous voulons. Il faut que nous résistions. Pour cela nous devons sans cesse nous remettre en question, et chercher de nouvelles solutions individuelles ou collectives, c'est-à-dire au cas par cas comme on peut le voir dans le documentaire. »

Cette voix off du documentaire résonne encore dans la salle :

« l'espace rural français est dans une spirale de déclin, voire de désertification. Un espace qui représente plus de 80 % du territoire national, mais qui aujourd'hui n'est habité que par 20 % de la population. Aujourd'hui plus de 80 % des aides communautaires sont échues automatiquement à 20 % des agriculteurs les plus riches. »

LA RÉALITÉ SE DÉCHIRE


Dans le documentaire, les paroles de ce jeune fermier qui explique sa situation, rappellent le quotidien tragique des conséquences de la crise :

« Le cours du porc s'est effondré. J'ai commencé à avoir des dettes et je me suis retrouvé au tribunal. Le plan de redressement n'a pas pu passer, et je suis donc allé en liquidation. Aujourd'hui les bâtiments sont vides, et là je n'ai plus rien. Selon la loi, je perds l'habitation ; je me retrouve à zéro. » « Vous étiez seul dans la région ? » demande l'interviewer. « Non, mais expliquer une telle situation aux voisins, c'est pas facile... »

Dans l'amphi, à son tour, un étudiant de la Saussaye explique :

« Mes parents sont producteurs de lait. Nous sommes contingentés en quotas. Mais, une ferme n'est pas une usine, on ne peut pas arrêter le lait d'une vache comme on ferme un robinet. Une année, mes parents ont dépassé le quota imposé. Par fierté, par respect pour le lait, ils ont refusé de jeter le surplus. Ils ont voulu résoudre le problème en donnant leur lait aux Restaurants du Cœur et à d'autres associations. C'est interdit. Ils ont été obligés de payer des indemnités supérieures au prix d'achat du lait ce qu'ils ont fait cette année-là. Mais après, il fallait résoudre ce problème autrement sinon on coulait ! On peut par exemple élever des veaux nourris par ce lait que nous n'avons pas le droit de produire mais que nous ne pouvons pas ne pas produire. »

NE RESTERAIT-IL PLUS ALORS QUE DES RÊVES ?


« Dans votre lycée à Chartres vous avez des projets en commun entre jeunes ? », demande l'interviewer. « En rêvant, oui, on peut en avoir ! répond un étudiant en agriculture, mes parents ont baissé les bras, en fait ils ont perdu le goût à l'agriculture. Mais le problème c'est que moi j'ai pris goût a l'agriculture ! Je pense que si dans ma région on ne veut pas de moi, je trouverai une région ou l'on cherchera des agriculteurs pour développer l'espace et apporter des idées nouvelles. Alors qu'à Chartres on est plutôt dans une région où on a tendance à aller vers une agriculture productiviste à outrance, sans regarder les dangers de celle-ci : disparition du tissu rural. »

AFFRONTER LA RÉALITÉ POUR RÉALISER L'INESPÉRÉ


« Un fossé de plus en plus grand se creuse entre les gens qui nous gouvernent et décident et ceux qui travaillent, qui connaissent les vrais problèmes »,, intervient un étudiant dans la salle. Il fait écho au problème mentionné dans le documentaire : « la démonstration de cette distance entre un État inerte à la crise et la société non préparée à faire face à la mondialisation de l'économie, est apparue l'hiver dernier avec la révolte des marins pécheurs bretons qui ne se sentaient plus représentés par leur syndicat officiel, qui, seul interlocuteur reconnu par le gouvernement, s'est montré distant des problèmes de la base et n'a pas su négocier des mesures qui fussent à la hauteur de la gravité de la situation. »
« Qui s'est soulevé contre les accords du G.A.T.T. qui mondialisent le marché de l'économie. à part les agriculteurs et le secteur audiovisuel ? réplique un deuxième étudiant, la personne qui a signé les accords du G.A.T.T. pour la France, qu'est-ce qu'il fait aujourd'hui ? Il travaille pour une multinationale américaine. Ce n'est plus l'État qui nous dirige, il est lui-même dirigé par quelque chose de supérieur. »

Des images de Scarlette Le Corre, seule, sur un petit bateau de pêche, sur une mer agitée, accompagnent ce commentaire off :

« ...après un mois et demi de mauvais temps et de tempêtes en mer, qui avait empêché la sortie des chalutiers, l'afflux du poisson importé des pays à bas salaires, puis la dévaluation de la livre sterling de la pesète et de la lire, ont fait chuter les prix dans les ports de Bretagne, en menaçant d'extinction la pêche artisanale qui fait vivre le littoral. On a vu le paradoxe qu'en 94, dans un des pays les plus riches du monde, un groupe social désespéré ait dû improviser un « comité de survie » pour se faire entendre par des méthodes à la limite de la légalité. Une solution provisoire de soutien ne fut décidée par le gouvernement que quand le théâtre des revendications a été déplacé dans la rue, avec des scènes de guerre civile. »

Scarlette s'adresse aux étudiants présents dans l'amphi :

« Il ne faut pas toujours dire que c'est la faute des autres. Quand j'entends sans cesse, c'est la faute des Américains, c'est la faute de ceci, de cela... Demandez à vos parents qu'est-ce qui s'est passé et pourquoi. Il n'y a qu'une minorité qui fait en permanence attention. Quand tout allait bien personne ne s'inquiétait. Nous vivions bien, alors nous ne nous sommes pas inquiétés de nos jeunes. Je crois que c'est là le problème, la faute, c'est notre propre responsabilité qu'il faut interroger. » À leurs questions sur la qualité elle répond : « Si vous voulez faire un bon produit de qualité dans vos fermes, je peux vous dire que ce marché existe, mais ce ne sont pas les autres qui le feront exister... Avec mes collègues nous nous sommes battus afin que le bar péché à la ligne sur des petits bateaux à 10 kg, 20 kg par jour, ne pouvant pas entrer en compétition avec des techniques de pêche industrielle ou l'aquaculture du bar faite en Italie, soit reconnu comme un produit de qualité supérieure qui mérite une différence de prix. Nous avons obtenu qu'il soit étiqueté « bar de ligne », c'est ce qui permet aux consommateurs de faire leur choix. Je peux vous dire que nous ne toucherons que 20 % de la clientèle, mais 20 % qui mettront le prix, parce que ces gens ont envie de bien manger. »

Dans la salle de nombreuses personnes acquiescent vigoureusement.


IMAGINER DES SOLUTIONS POUR RÉSISTER...


« Comme on ne peut pas compter sur notre revenu, explique la mère d'un étudiant de Chartres, venue témoigner, nous en sommes arrivées, en tant que femmes d'agriculteurs à diversifier l'exploitation. Pour ma part, j'ai ouvert des chambres d'hôtes. Nous avons la chance d'avoir entre nos mains un beau métier que nous aimons, que nos enfants aiment, à nous de le protéger en le réinventant sans cesse. »

Le rôle des femmes est primordial dans cette résistance. Le documentaire montre une jeune agricultrice dans le Nord qui fait visiter sa ferme à des classes d'enfants des villes. Une autre accueille avec son mari trois patients d'un hôpital psychiatrique. En hôpital un malade coûte 30 000 Frs par mois, en famille 6000. Elle est présente lors du débat. Auprès d'elle l'infirmière qui s'occupe également des patients, est venue témoigner des progrès immenses qu'ils ont accompli :

« Un épanouissement ! ; on pourrait parler de leur “joie” de travailler la terre, alors qu'ils se traînaient dans la désespérance des hôpitaux psychiatriques. »

Wladimir Tchertkoff se prononce maintenant sur ce devenir qu'il avait interrogé dans son documentaire :

« La coordination peut devenir un phénomène vital à partir du moment où l'on a la perception que les choses peuvent évoluer, même du côté de vos adversaires. La jeune agricultrice qui disait dans le documentaire que “l'on ne peut plus rêver dans notre métier” est théoriquement une conservatrice, elle se bat pour se conserver. À la limite, elle voudrait retomber dans le groupe des nantis, des protégés. Vu la crise, c'est peu probable. Des sondages ont démontré que plus de la moitié des Français ressentent la peur d'être marginalisés. Elle le ressent aussi avec angoisse. C'est la partie “flexible” de sa personnalité qui est intéressante. C'est une crise qui donne vraiment une opportunité nouvelle dans la mesure où c'est une crise fondamentale qui dépasse les vieilles frontières. Il n'y a pas les moins chanceux ou les plus chanceux dans la dimension de la crise. Elle est vraiment générale et c'est vraiment notre chance. »

Un étudiant du lycée de Chartres est convaincu des possibilités d'avoir un avenir dans l'agriculture :

« Je dirais que dans le monde de la pêche décrit par Scarlette, dans notre monde de l'agriculture, nous sommes confrontés sans cesse à une nature changeante, le temps, la mer, les éléments, les tempêtes etc. Nous avons en quelque sorte une mentalité « d'acteur » presque innée, ou plutôt contrainte par les éléments extérieurs. Aujourd'hui, la mondialisation de l'économie, des marchés et de l'agriculture rendent certes les choses encore plus difficiles, mais nous sommes et devons être armés pour être de vrais acteurs... Nous devrons sans cesse et plus que jamais d'une manière ou une autre être capables de nous remettre en question. »

Il reste maintenant à changer les paysages en projets de vie.

Propos recueillis par
Christine Chaufour-Verheyen


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Agriculture, pêche, ruralité
vers Une ferme d'un nouveau type

Agri-Culture :
il n'y a pas de territoires pauvres, il n'y a que des territoires sans projets

La crise qui frappe actuellement l'agriculture, autour de laquelle se formait le tissu rural ne peut avoir comme solution que la capacité des producteurs eux-mêmes à inventer des activités nouvelles pour insuffler une vie à des territoires en passe de désertification économique. Nous consacrons une partie de cette rubrique à l'action et la réflexion menées par le CIVAM ainsi qu'à François PLASSARD, chercheur dans cet organisme qui se définit comme « agent de changement en milieu rural ».

L'ensemble des citations est tiré du livre de François Plassard : Territoires en prospective. Quel nouveau contrat Ville-campagne ? (Éd. Procivam-Adir, 1995)

L'objectif du CIVAM est « la requalifiquation des espaces ruraux dans les nouveaux enjeux de la société », ceci dans le cadre d'une recherche-développement qui l'a amené à créer en 1990 un réseau d'Agriculteurs Animateurs de Projets locaux, l'AAP, via un partenariat avec la CEE et le Ministère de l'Agriculture, réseau qui regroupe aujourd'hui 400 associations.

Cette expérience - qui se double d'une expérimentation - se donne pour but de former des agriculteurs animateurs et de construire un « réseau ressource » pour des projets porteurs d'activités nouvelles dans le cadre d'une formation-action validée par le Ministère de l'Agriculture ; un comité pédagogique aidant par ailleurs chaque agriculteur à se choisir un accompagnateur institutionnel ou technique.

La réalisation par des agriculteurs de projets au plan local, qui puissent être enjeux d'une recomposition du tissu rural, nécessite l'acquisition d'un mode de pensée complexe capable de doter chacun d'une vision « prospective » du métier dans un cadre global d'évolution de la société. C'est là du moins une préoccupation affichée par l'AAP. François Plassard dans ce sens qualifie ces nouveaux agriculteurs « d'agrinovateurs ».

Quelle est la portée d'une telle initiative ? Il s'agit avant tout de rompre avec le modèle productiviste de croissance qui, aujourd'hui, ne cesse de détruire des emplois dans le milieu rural et sinistre l'économie de régions entières. À la crise du « modèle intensif productiviste » fondé sur la trinité : « intensifier, s'agrandir, se spécialiser » d'autres critères comme « économiser, valoriser, jouer sur les complémentarités » sont retenus par les agrinovateurs pour la promotion d'un nouveau « management rural ». La question est donc aujourd'hui de savoir : « Comment passer d'une agriculture de conquête et compétition acharnée à une agriculture d'équilibre, partenaire des nouvelles vocations des territoires ou bassins de vie ? »

Le développement de la croissance agricole durant les trente glorieuses (1945-1975) s'était fait au prix de la mise en place d'une division du travail qui a progressivement réduit la production agricole dans son ensemble à n'être que « un simple maillon dominé de la chaîne alimentaire ». D'autre part les revenus des agriculteurs n'ont que peu bénéficié de cette intensification de la production : durant cette période « la politique des prix soutenus par Bruxelles a favorisé l'essor de l'industrie agro-alimentaire qui traite 75 % de la matière première agricole, l'industrie agro-alimentaire et la grande distribution confisquant les gains de productivité ».

Les heures passées à produire étant deux à trois fois moins bien rémunérées que les heures passées à transformer et à vendre, il s'agit pour les agrinovateurs de « reconquérir des filières » en se rappropriant des fonctions de transformation et de distribution et, d'autre part, d'aller au consommateur par le biais de la vente directe pour vendre mieux plutôt que de vendre plus. « Parce qu'ils combinent dans une même organisation des fonctions contradictoires : produire, transformer, vendre, ces agrinovateurs font, sans le savoir, l'apprentissage d'organisations complexes, intégrées dans la dynamique du développement local. »

L'avènement d'une agriculture de qualité, de produits de qualité se heurte aux limites de la demande solvable sur le marché. Le milieu rural doit dans le même temps penser à une diversification de ses activités s'inscrivant dans un nouveau rapport ville/campagne ? François Plassard rajoute par ailleurs : «  Par la nature de leur nouveau métier « complexe », ils (les agrinovateurs) sont plus sensibles et armés que les « agriculteurs classiques » à aborder les marchés du « relationnel » : loisir, culture, éducation, santé, tourisme, en expansion dans le budget des ménages et signe d'une de nouvelle demande sociale à l'égard de la campagne. Parce que leurs produits sont « informés » par une qualité objective et aussi « relationnelle », ils dépassent le cadre des 4 % que constituent la part des agriculteurs dans le budget du consommateur. »

Ces nouvelles activités aménagent un espace rural en proposant des services diversifiés que nous pourrions appeler « agriculturels » dans la mesure où l'activité de production redevient un instrument subordonné au développement d'un cadre de vie. Cette stratégie de pluriactivité entre dans le cadre d'une « requalification des territoires ruraux dans une société à dominante de temps libre ». À la suite, cette mise en réseau amène l'agriculteur à sortir d'une logique de développement corporatiste ou de filière de produits, pour mobiliser des partenaires et des compétences sur l'ensemble du territoire : « Par exemple, un projet agro-touristique, un projet de remise en valeur de berges de rivière mobiliseront des agences de voyage, des associations culturelles, des propriétaires fonciers, des services techniques, soit autant de langages différents, de cultures différentes avec lesquels l'AAP doit apprendre à dialoguer ».

On peut se demander aujourd'hui si la nécessaire reconversion des agriculteurs exploitants dans des activités autres, au-delà du fait qu'elle offre des revenus de complément, ne milite pas en faveur d'une agriculture qui ne serait plus là pour nourrir seulement le monde mais pour développer un rôle pionnier dans « la réorganisation des temps sociaux, en réponse à la fin de l'hégémonie du tout-emploi » ?

Nous conclurons sur cette perspective avancée par François Plassard : « Ne prenons-nous pas conscience que l'agriculture n'est plus là pour produire le maximum de denrées alimentaires au prix le plus bas en utilisant le minimum de main-d'œuvre ? Mais plutôt pour produire une diversité de denrées, de qualité saine, dans des quantités nécessaires à chaque groupe de nations complémentaires dans l'échange, et dans les conditions qui assurent à la fois la sécurité d'approvisionnement, le respect de l'environnement, et l'emploi optimal pour assurer d'autres fonctions sociales complémentaires de besoin d'espace dans la société de demain ».

Yovan Gilles


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Agriculture, pêche, ruralité

Une ferme d'un nouveau type

Manger, vivre, courir les terres des Corbières.

Passages extraits du livre de François Plassard

« Tout a commencé en 1982 », raconte François Plassard dans son livre, « quand un petit groupe d'amis, informaticien, professeur de gymnastique... reconvertis à l'apiculture, à l'élevage de chèvres, à l'oléiculture... décident d'aller vendre leurs produits sur la côte à Gruissan, Port Leucate...

Expérience peu concluante, chiffre d'affaires dérisoire... La vente se transforme alors en repas avec une gastronomie traditionnelle, le soir sous la pergola à Gruissan. Des relations se nouent entre des touristes et ces producteurs (néo-ruraux)... de là, à aller visiter l'arrière-pays avec eux quand la plage devient ennuyeuse et que le fond de l'air se rafraîchit, il n'y a qu'un pas ! » C'est ce pas qui est franchi de 1982 à 1986.

Mais, très vite, la visite d'une exploitation agricole et de la cave coopérative, ça ne suffit plus ! « Nous devions sortir de notre carcan trop agricole ». En 1986, le réseau s'étoffe de bénévoles, c'est 1000 personnes qui, en juillet et août, découvrent l'arrière-pays. Par exemple le circuit botanique fut un succès, c'est une agricultrice passionnée qui reçoit des groupes sur un chemin de garrigue. En 1991, l'ADALAP fait un nouveau choix. Une opportunité se présente : louer hors saison les quinze gîtes du comité d'entreprise d'EDF installés à Camplong, le village de Yannick (président de l'ADALAP). Mais, où faire manger les personnes accueillies ? Le maire, le Conseil Général... tout le monde s'y met : au-dessus des gîtes de l'EDF, dominant le village, un restaurant, la Ferme Gourmande, est construit pour un million de francs. L'accueil pourra se faire toute l'année et les femmes de Camplong pourront exprimer leur talent de cuisinières avec les produits des agriculteurs. En 1991, nous avons pu servir 5000 repas, en 1992 : 10 000 !

Depuis la stratégie de l'ADALAP, devenue SARL, c'est le hors-saison. La Ferme Gourmande et les produits des agriculteurs, c'est le point de passage obligé des journées animées par l'ADALAP. « Circuit plaisir, âge d'or », « Poésie en Corbières », « L'environnement à fleur de sens », « Les Corbières des marins » en disent long sur les vingt thèmes proposés aux groupes.

Au fait Yannick est-il toujours un agriculteur animateur de projet ? Pour l'administration, il est tout simplement gérant d'une SARL, montée par des agriculteurs, qui réalise deux millions de francs de chiffre d'affaires. Mais, peut-être est-il beaucoup plus que cela, car ce projet devenu grand, ne valorise plus simplement quelques exploitations agricoles, mais un immense territoire. Qui pourrait s'en plaindre ? Certainement pas les agriculteurs associés à son groupe qui trouvent à travers l'ADALAP l'essentiel de leurs débouchés. Ni tous ces gens venus d'ailleurs qui, comme l'instituteur qui m'a servi l'apéritif, n'auraient jamais découvert sans l'ADALAP les secrets des Corbières : son histoire, ses abbayes, ses châteaux, ses vignobles, son art de vivre, ses villages, ses hommes... Paysan d'un pays et d'un paysage... n'est-ce pas au travers d'une multitude de nouvelles compétences acquises dans l'action qu'un nouveau métier s'invente ?


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